Lorsque j'ai vu ce film pour la première fois, la fin m'a tellement surpris, tellement jeté par terre que je ne pouvais pas la placer autre part qu'en première position du
classement des twists les plus surprenants et travaillés du cinéma. J'entends certaines personnes affirmer qu'elles avaient deviné la fin avant même de l'avoir vue. De deux choses l'une : soit elles veulent se rendre intéressantes derrière ce mensonge, soit elles n'ont pas vu le film à sa sortie, mais 10 ans plus tard, alors que le phénomène du twist final se répand de plus en plus et qu'on se méfie à présent toujours de la fin d'un film.
Je crois bien que parmi tous ces films, c'est celui qui nécessite le plus un deuxième visionnage. Car merde, pendant une heure trente, on est baladés de bout en bout. Et c'est en revoyant le film une seconde fois qu'on se demande comment on a pu passer à côté d'un truc aussi dingue.
Malcolm, le personnage incarné par
Bruce Willis, se fait tirer dessus au début du film. Puis sa femme appelle une ambulance et on a un fondu... Dans la scène suivante,
Malcolm est au milieu de la rue. Il suit un enfant, afin de se racheter d'avoir détruit la vie d'un autre (celui qui lui tire dessus au début).
C'est alors que toute la beauté du cinéma de
Shyamalan fait effet. Des scènes très lentes, des mouvements de caméra relevant du génie (comme par exemple la scène où le gamin avance ou recule d'un pas, dans le salon, s'approchant ou s'éloignant de
Malcolm), des scènes où
Malcolm n'arrive pas à communiquer avec sa femme, qui l'ignore totalement. On éprouve de l'affection pour ce personnage et on croit même qu'un
happy end va surgir, que sa femme va l'aimer comme avant.
Quoiqu'il en soit, on arrive rapidement à la fin du film où on découvre la révélation désormais légendaire : Malcolm est un fantôme, qui était mort depuis le début et qui ne s'en était pas rendu compte. C'est alors que tout prend un sens. Mais les questions arrivent très rapidement aussi : "Comment se fait-il qu'il parle à plein de gens alors qu'il est mort et que personne ne peut le voir ?".

Là est toute l'ingéniosité du film, terriblement bien ficelé et intelligent. On revoit chaque scène, et c'est avec effroi et stupeur qu'on réalise que Malcolm n'a en fait jamais eu de conversation avec quiconque, sauf avec l'enfant qui, bien sûr, peut voir les morts. Le deuxième visionnage de ce film est un choc, vraiment. On se demande comment on a pu être berné pendant tout le film. Notamment lorsque Cole, joué par le génial Haley Joel Osment, avoue à Malcolm qu'il peut voir les morts, qu'ils ne savent pas qu'ils sont morts et qu'ils ne se voient pas entre eux... A ce moment, la musique est intense et la caméra se fixe sur Malcolm, stupéfait par la révélation de Cole. A ce moment précis, on se demande comment on a pu être aussi stupide pour ne pas faire le rapprochement direct. Et le meilleur, c'est qu'on apprend qu'il était au courant depuis le début que Malcolm était un fantôme. Et le fait de l'aider à partir, de l'aider à reparler à sa femme est une chose qu'il devait faire. C'était son rôle. Finalement, les deux personnages se seront aidés mutuellement, ce qui en fait une bonne conclusion pour les deux (en fait, Malcolm a aidé Cole à l'aider).
Les scènes où on a l'impression qu'il parle à sa femme sont excellentes, vraiment tournées de façon à ce qu'on croie qu'il est réellement là, à ses côtés. On a l'impression qu'elle lui fait la tête, alors qu'elle est tout simplement en deuil. Et la quête de Malcolm vers cette révélation est intéressante. Par exemple, on peut citer la porte du placard qu'il n'arrive pas à ouvrir, se rendant compte, à la fin, qu'elle était en fait bloquée depuis longtemps par un meuble. Il s'énerve contre un carreau, devenant un esprit frappeur, lorsqu'il voit sa femme embrasser un autre homme. Il n'accepte pas de voir la réalité en face, il ne souhaite pas quitter ce monde et reste coincé ici, sans savoir qu'il est mort et condamné à errer dans le malheur. Car il a encore une tâche à accomplir : parler à sa femme. Et c'est à la fin, dans une scène magnifique entre Malcolm et sa femme, qu'il parvient enfin à lui adresser la parole pendant qu'elle dort et se libère enfin. Bruce Willis étant émouvant au possible.
Certains trouveront une incohérence à ce film : comment peut-il ne pas se rendre compte qu'il est mort ? Effectivement, il devrait réaliser qu'il n'est jamais payé pour son boulot, qu'il n'a pas parlé à sa femme depuis un an, qu'il n'a d'ailleurs parlé à personne. La réponse est simple : il n'a aucune notion du temps (il le dit d'ailleurs en arrivant en "retard" au restaurant), il ne "vit" pas de façon linéaire mais par intermittences, c'est-à-dire qu'il se retrouve subitement à un endroit sans même réfléchir à la façon dont il y est arrivé. Il ne souhaite pas comprendre, d'ailleurs, car il ne parvient pas à admettre cette dure réalité, sauf à la toute fin. Bref, voilà en gros de quelle façon je vois ça, d'ailleurs Cole le dit lui-même : "ils ne voient que ce qu'ils ont envie de voir".