Je me lance dans un article que je ne vais pas contrôler, car il sera très personnel. Le plus intime que j'ai pu écrire ici, sans doute. Aujourd'hui, j'ai envie de tenter d'expliquer mon fonctionnement émotionnel, chose que je peine à faire de manière laborieuse depuis 15 ans, que ce soit ici comme ailleurs, car c'est terriblement difficile à décrire. Je vais essayer d'expliquer pourquoi le cinéma est ma passion viscérale. J'en parle parfois, par bribes. Pas souvent, parce que j'ai l'impression que je vais passer pour un fou, mais je n'ai jamais posé de mots précis dessus, alors allons-y.
J'aime le cinéma pour dénicher ces petites émotions bien à moi, qui me parcourent de frissons et me hantent des années durant. Bien sûr, j'aime aussi le cinéma pour les procédés techniques, pour l'art en lui-même et tout ce qu'il peut apporter d'intéressant, mais ce ne sont pas les raisons de ma passion. Ma passion, réelle, vient de ces moments qui transforment l'état de mon corps de manière viscérale. Elle vient de ces instants qui retournent mes entrailles et qui sont autant de petits traumatismes émotionnels. J'ignore si tout le monde fonctionne ainsi, autour de moi. Je me pose souvent la question. Lorsque je découvre une scène ou une musique qui me transperce de la sorte (c'est assez rare), je deviens compulsif. C'est-à-dire que je suis capable de rejouer cette même scène vingt, trente fois de suite, juste pour revivre cette émotion étrange en boucle et ne pas la laisser s'échapper. Ça dure parfois des jours, ou même des années (à intervalles réguliers), comme des obsessions qui perturbent mon métabolisme. Plus je regarde ces extraits, plus j'écoute ces musiques, et plus elles me font de l'effet, plus elles m'obsèdent. Elles finissent alors par faire partie de moi.
Je rapproche cette émotion spéciale du sentiment amoureux. Parfois, je décris dans mes articles un sentiment amoureux pour une musique, un film, une scène. En général, ce n'est pas une métaphore, c'est réellement ce que je ressens. Lorsque je repense à certaines scènes, ou que je les revois, il se produit des choses particulières sous ma peau. Je ne sais pas comment l'expliquer. Ça vous le fait aussi, à vous ? Est-ce que, vous aussi, vous possédez une collection de scènes de films qui vous assurent de passer de drôles de soirées, entre nostalgie et plaisir ? Sentez-vous aussi remuer vos entrailles d'une étrange façon lorsque cette scène particulière vient à vous ? Parfois, j'ai l'impression que les gens que je croise ne ressentent jamais ça. Ou alors, simplement, ils ne le disent pas. D'ailleurs, moi, je ne le dis pas.
C'est pour cette raison précise que j'aime intensément le cinéma. Parce que je connais des films ou des extraits qui me font switcher dans un autre monde, un univers parallèle. Quand je plonge dans cette étrange sensation, quand je suis immergé dans ce sentiment amoureux cinématographique malgré moi (ou pas, puisque je provoque souvent volontairement cet état), alors je n'existe plus, ma vie n'existe plus, je ne suis plus devant un écran. Seule la scène existe, seule l'émotion existe. C'est assez dingue.
Je voulais y consacrer un article car ça fait 15 ans que j'ai envie de dresser un top de mes scènes préférées au cinéma, et que je n'y arrive pas. Ce soir, j'ai eu le déclic : je vais tout simplement parler de ces scènes. Celles qui me rendent tout chose, qui me placent dans un cocon de confort émotionnel, qui m'embarquent très loin en une seconde.
J'en ai sélectionné 30 que j'ai classé de la moins forte à la plus puissante. Le top 15 est un peu le journal intime de mes émotions. Le top 5, quant à lui, contient tout ce qui peut me faire chavirer d'une soirée normale vers une soirée émotionnelle en un claquement de doigts. Je ne sais pas si j'assumerai encore cet article demain, mais je ne l'effacerai pas, parce que j'avais besoin de parler de tout ça et que j'aurai peut-être besoin de le relire un de ces quatre.
Commençons donc par mon 30e "bonbon émotionnel", pour plonger progressivement dans les abysses de mes nostalgies. Je mettrai une petite balise spoil pour vous avertir que la scène dévoile une partie importante du film en question.
30 - La La Land
Ces quelques secondes de Someone in the crowd
La musique de La La Land a ce pouvoir tout particulier, bien que je ne l'explique pas. Il y a notamment un passage de quelques secondes qui m'obsède depuis 2016, il s'agit de la scène à partir de 3:25 ci-dessous, et notamment le retour de la trompette à 3:51 précisément. Si on écoute bien, on entend à 3:48 des bruits d'air qui viennent de l'instrument. Ces bruits d'air m'obsèdent. C'est con hein, je sais, mais il m'est arrivé de repasser ces 10 secondes en boucle, juste parce que ce moment sonore me fascine et crée en moi des choses inhabituelles. Et puis ce petit enchaînement de notes entre 3:51 et 3:54 est parfait. Parfait. Ça me rend dingue.
29 - Mommy spoil
"Experience" de Ludovico Einaudi
Mommy est un film parfait, et je l'ai su dès que j'ai vu cette séquence à l'approche de la fin du film. Cette scène a propulsé Mommy dans mon top 3 toutes catégories, et il va falloir se lever de bonne heure pour l'y déloger. Je ne vais rien spoiler mais celles et ceux qui ont vu le film savent de quelle scène je parle. Xavier Dolan est un génie. Puisque ça fait du bien, voici l'extrait en question (attention ça dévoile tout).
28 - Incassable
La scène des visions
Cette séquence est une merveille, notamment grâce à la musique. Ce qui me rend dingue, c'est l'association de cette musique avec l'élan dramatique et fantastique de cette scène. Ce qui me fait frissonner au plus haut point, ce sont les mouvements de caméra de M. Night Shyamalan, notamment ce putain de travelling arrière à 2:17 que je peux me repasser 30 fois de suite tant je le trouve magnifique, ou encore le mouvement à 3:51 qui m'atteint dans une moindre mesure. Voilà, entre autres, pourquoi Incassable est probablement mon film préféré. Pour ces petits détails qui semblent n'être rien, mais qui font tout.
27 - Climax
La scène d'intro
Cette scène d'introduction du film en plan-séquence m'a obsédé durant plusieurs jours après mon visionnage de Climax. Que c'est beau... Le seul moment de plaisir ultime avant l'avalanche de l'horreur. La scène est par ici.
26 - Eyes wide shut spoil
Masked ball
Si vous n'avez jamais vu Eyes wide shut, ne regardez pas la scène. Il vaut mieux se laisser embarquer dans le film et prendre un coup de poing dans la gueule lorsque cette séquence débarque sans prévenir. J'ai été émotionnellement hanté par cette musique. J'adore particulièrement les appuis musicaux à 3:02 et à 5:18, ça met une tension absolument dingue alors qu'il ne se passe... rien. Que c'est brillant !
25 - Antichrist
La scène en ultra-ralenti
Je me souviens encore de la première fois que j'ai vu cette scène d'Antichrist, elle m'a tout simplement paralysé. J'étais pendu aux voix de Willem Dafoe et Charlotte Gainsbourg, émerveillé par la poésie issue de ces plans fantomatiques dans les bois. La séquence est folle en terme d'atmosphère, notamment le passage sur le pont à 0:28.
24 - Harry Potter et les reliques de la mort
La scène de danse sur O'Children
A chaque fois que je revois cette scène ou que j'écoute à nouveau O'Children de Nick Cave, je replonge à cette époque où je découvrais chaque nouveau tome d'Harry Potter tous les ans. Cette scène n'est pas dans les livres, mais c'est pourtant l'une des meilleures de la saga cinématographique. Mention au moment où la musique devient progressivement extradiégétique à partir de 0:50. Brrr... Frissons.
23 - Titanic spoil
La toute fin du film
En terme d'émotion, la fin de Titanic est une merveille. Et si vous voulez vraiment savoir ce qui m'obsède dans cette somptueuse musique de James Horner, ce sont les sons réguliers qui apparaissent en fond, précisément à 1:33, puis environ toutes les 3 secondes. Je ne sais même pas ce que c'est, mais je trouve que ça sublime ce plan-séquence (oui, car c'est un plan-séquence prodigieux), et ça rend tous ces personnages encore plus fantomatiques.
22 - Les lumières de la ville
La boxe
Alors, évidemment, la scène finale avec cette dernière image sur le sourire timide de Charlie Chaplin est absolument brillante et inoubliable. Mais j'ai une affection toute particulière pour la musique qui accompagne la séquence de boxe. Un moment suspendu, drôle, émouvant. Je me la repasse souvent, notamment pour ces petites notes toutes nostalgiques à partir de 0:44.
21 - The tree of life
Lacrimosa
Est-il vraiment nécessaire de justifier ? Toute cette séquence me hante 13 ans après... Ces étendues infinies me bouleversent.
20 - The Village
Ivy et Lucius
J'ai déjà fait un article pour exprimer à quel point Shyamalan me retourne les entrailles avec cette séquence. Il m'arrive de repasser en boucle les secondes qui suivent le retour de Lucius, c'est merveilleux. Ce qui m'obsède ? Curieusement, outre toute cette puissance poétique, c'est tout particulièrement la manière avec laquelle l'anneau de fer bouge à 1:07.
19 - Ghost spoil
La fin du film
Le dernier regard de Patrick Swayze à 3:44 m'obsède.
18 - Perfect Sense spoil
La scène du téléphone
Je ne peux pas diffuser l'extrait ici parce que Youtube a refusé la lecture de la vidéo en France... Mais putain, quelle scène ! Eva Green qui s'énerve toute seule pendant que le personnage d'Ewan McGregor croit être écouté, en pleurs, c'est phénoménal en terme d'émotion.
17 - Melancholia spoil
La fin du film
"Sebmagic, tu parles de cette scène lors de laquelle tes jambes tremblaient toutes seules sans que tu puisses les contrôler dans la salle de cinéma ?" Oui oui, c'est bien celle-là...
16 - Interstellar spoil
Les messages
Indescriptible. On commence à entrer dans la zone où je peux partir en sucette émotionnelle très rapidement.
15 - Braveheart
La fleur
La musique de James Horner fait tout. Elle me hante depuis 20 ans, tout comme cette romance qui figure sans doute dans le top 10 des plus belles histoires d'amour du cinéma. La musique qui démarre à 1:27 est si poignante... Je dois me contrôler pour ne pas regarder ces 10 secondes en boucle, sinon je ne finirai jamais cet article.
14 - Edward aux mains d'argent
Hold me. I can't.
13 - Shame
La séquence du métro
Voilà une séquence qui m'hypnotise réellement. Le regard de Fassbender, la tension sexuelle, la musique de Harry Escott (clairement inspirée de celle d'Hans Zimmer pour La Ligne Rouge). C'est juste une parfaite entrée en matière.
12 - Reviens-moi (Atonement)
Ce putain de plan-séquence
Le plan-séquence d'Atonement (je déteste le titre français) est l'un de mes préférés du cinéma. Je trouve le film totalement sous-côté, il contient pourtant de fabuleuses choses qui m'ont frappé et qui continuent de me poursuivre aujourd'hui. Cette scène, notamment, m'a obsédé longtemps. Tout le passage avec les chants des soldats à partir de 1:45 est génial, je ne sais pas combien de fois j'ai repassé cette vidéo de 2:00 à 2:40, mais il m'est arrivé de le faire en boucle. Plus particulièrement la montée en intensité sonore à 2:12.
11 - Mean Creek
Le menu du DVD
Là, on commence à entrer dans la part de mes émotions qu'il m'est difficile de gérer. Mean Creek est pour moi l'un des films qui me rendent le plus nostalgique. J'ai beaucoup vu ce drame plus jeune, avec ma sœur. Et une fois, avec mon cousin. Pendant que nous préparions notre goûter, nous avions laissé tourner le menu DVD de Mean Creek en boucle. On l'a tellement écouté qu'on a fini par le connaître par cœur. La musique de Tomandandy est juste magnifique en terme d'ambiance sonore. Elle canalise à elle seule toute l'atmosphère du film, en 35 secondes seulement. Voici un extrait.
10 - A mouthful of air
L'intro du film
Je ne peux que vous conseiller de regarder cette introduction oppressante de A mouthful of air pour vous donner envie de découvrir le film. Personnellement, j'ai écouté "I don't want to live on the moon" en boucle pendant deux semaines.
9 - Annette
She's out of this world
Breathe in, breathe out, breathe in. Tout se passe dans la scène d'accouchement ci-dessous, plus particulièrement à 1:02, précisément. Toute cette chanson est incroyable, je me suis repassé le passage de 1:02 à 1:25 probablement plus d'une centaine de fois.
8 - Valse avec Bachir
Le souvenir
Bon sang, que cette séquence m'a hanté ! Les musiques de Max Richter portent très bien leur nom : "The Haunted Ocean". 15 ans plus tard, je ne peux toujours pas regarder cette scène sans ressentir à nouveau tout ce que j'ai ressenti la première fois. Ce passage est exceptionnel. Lien vers la vidéo.
7 - Vivre sa vie
La danse autour du billard
J'ai probablement regardé cette scène 10 fois par jour pendant une semaine, après avoir découvert Vivre sa vie. Depuis, je la revisionne très régulièrement. Une véritable obsession. Ce qui me fascine le plus : cette milliseconde lors de laquelle on peut voir le regard d'Anna Karina traversé par la tristesse à 0:17 précises. Il faut être attentif, c'est furtif, mais ce regard me rend dingue.
6 - Les parapluies de Cherbourg spoil
La fin du film
Le regard de Deneuve, la voix de Deneuve, la mélancolie et la tristesse de la situation. Cette scène me suivra toute ma vie (même si la qualité de cette vidéo est affreuse).
5 - Papa spoil
La dernière scène du film
La séquence finale avec la musique de Philippe Morino m'a rendu fou il y a 2 ans de ça. Je ne peux pas réécouter cette musique sans ressentir cette ambiance particulièrement triste qui peut nous traverser en automne. A chaque fois que je revois cette scène signée Maurice Barthélémy, je frissonne et j'entre dans une drôle d'émotion.
4 - The Lovely Bones spoil
La scène de la décharge
Voilà l'une des scènes qui me hantent le plus au cinéma. C'est probablement l'une de mes scènes préférées tous films confondus. Tout est parfait : le déplacement de la caméra, le ralenti, la musique qui s'assombrit pour laisser place à Big Ship de Brian Eno. Et surtout, tout ce que cette scène implique de façon dramatique... Si vous avez déjà vu le film, j'ai déjà parlé de ce plan par ici mais aussi par là pour un article un peu plus intime, dans lequel je mentionnais déjà cette obsession particulière. Et pour les autres, qu'attendez-vous pour découvrir ce chef d'œuvre de Peter Jackson ?
3 - Le seigneur des anneaux spoil
La chute de Gandalf + Et earello...
On retrouve Peter Jackson pour la deuxième fois avec Le Seigneur des Anneaux. La trilogie dure 11 heures donc les scènes qui me hantent sont multiples. Cependant j'ai longtemps développé une obsession pour les réactions des personnages à la chute de Gandalf sur le pont de Khazad-dum, notamment le ralenti sur Viggo Mortensen avec la merveilleuse musique d'Howard Shore. On peut également citer le passage lors duquel Aragorn chante "Et Eärello Endorenna utúlien. Sinomë maruvan ar Hildinyar tenn' Ambar-metta" (oui je connais les paroles par cœur parce que la musique est sublime).
2 - Before Sunrise
Come here
On arrive dans le haut du panier avec ce qui représente pour moi la plus belle scène d'amour du cinéma. La chanson de Kath Bloom me paralyse d'émotion, tout comme les regards des deux personnages timides qui ne savent plus où se mettre mais profitent de ce moment suspendu hors du temps. Que c'est beau putain. Voir par ici ma critique de la trilogie.
1 - Koyaanisqatsi
Ralentis sur Philip Glass
Je sais, je parle de Koyaanisqatsi tout le temps, mais il y a de bonnes raisons pour ça. La musique de Philip Glass, "Prophecies", me place dans un état second à elle seule. Alors quand on y ajoute les images de Godfrey Reggio, sur ces visages et ces inconnus qui marchent sans but, c'est tout simplement insoutenable d'émotion.
Voilà... Cet article était interminable à rédiger mais j'en ai eu la subite envie. J'ai préféré en profiter avant que cette envie ne s'échappe.
Connaissez-vous aussi ces moments d'intense paralysie émotionnelle ? Quelles sont vos scènes ? La question est intime mais elle me passionne.