Quelques uns d'entre vous commencent à me connaître un peu et savent qu'il est très rare que je prononce un avis entièrement négatif sur un film. Et même si pour beaucoup,
The Edge of Love est une histoire totalement ennuyeuse et sans intérêt ni consistance du début à la fin, j'ai tout de même assez accroché. Je ne sais pas trop pourquoi, mais à chaque fois que je regarde un film, je n'en garde que les bons côtés, qui pour moi surpassent toujours le reste. Par exemple, une seule scène magnifique peut me suffire à équilibrer un ennui de 15 minutes (ce n'est pas une loi hein, parfois je ne raisonne pas comme ça, mais c'est pour que vous compreniez un peu dans quel état d'esprit je juge un film). En fait, je me dis toujours que si le film a été fait, c'est que son auteur avait ses ambitions et voulait faire passer quelque chose, même un truc banal. Et donc, je retiens les bonnes choses en occultant souvent les mauvaises et au final, je passe un bon moment. Il faut vraiment que je ne voie rien de bon, ou alors que je m'ennuie profondément du début à la fin d'un film, pour le descendre sans vergogne. Et c'est donc rare.
Pourquoi je dis ça ? Parce que d'après les nombreuses critiques que j'ai lu, la majorité des gens s'est emmerdée ferme devant ce film. Pour ma part, je n'irai pas jusqu'à dire que c'est un excellent film, car il a clairement ses hauts et ses bas, mais pour autant je ne me suis pas tellement ennuyé, porté par le déroulement des événements. En fait,
The Edge of Love est plus ou moins séparé en trois parties, sous la forme 45-20-40 minutes. La première contient de très bonnes choses notamment visuellement, la deuxième est certes ennuyeuse, et la dernière prenante et touchante. Résultat : un avis mitigé mais pas si mauvais.

La première partie nous présente un peu les personnages. Les tons sont vraiment jolis à voir, on est au début des années 40 et l'ambiance (décors et couleurs) est très représentative. Les couleurs donnent un ton sépia pendant la majeure partie de ce début de film.
Keira Knightley interprète
Vera Phillips, une chanteuse de cabaret qui joue dans le métro tous les soirs. Le film démarre d'ailleurs là-dessus, avec une lumière entièrement concentrée sur la bouche pimpante de l'actrice, ce qui fait assez bizarre. L'ambiance colle parfaitement à l'époque, c'est clair, mais c'est assez étrange de voir l'actrice dans un tel rôle, à la fois très élégante et un peu précieuse. Un rôle qui ne lui va pas très bien (son jeu est plutôt quelconque), mais qui n'est pas non plus invraisemblable.
Vera rencontre alors par hasard
Dylan Thomas (
Matthew Rhys), un poète qu'elle n'avait pas vu depuis 10 ans, son premier amour du Pays de Galles lorsqu'elle avait 15 ans. Elle se rend compte que
Dylan est marié et à
Caitlin (jouée par
Sienna Miller), bien qu'il semble toujours éprouver quelque chose pour
Vera. Cette dernière fait alors la connaissance de
William Killick (
Cillian Murphy), un soldat qui patrouille dans les rues de Londres, et les deux couples partagent alors la même maison. Jusqu'à ce que
William parte pour la guerre et laisse
Vera seule avec
Caitlin,
Dylan, et un enfant.

Voilà, j'ai assez résumé cette première partie du film, et il faut bien l'avouer : ce n'est guère palpitant. Et pourtant, ça reste assez original et le talent de
Sienna Miller est à l'honneur, elle surpasse largement
Keira Knightley dans le rôle d'une femme un peu jalouse et malheureuse. Car évidemment,
Caitlin est méfiante et même si une belle amitié s'est créée entre elle et
Vera, celle-ci constitue une rivale pour son couple, d'autant que
Dylan semble montrer des signes de nostalgie à l'égard de son premier amour. Bref, une histoire banale et qui n'a pas beaucoup d'intérêt. Le seul passage vraiment magnifique de cette première partie est le moment où le bar dans lequel se trouvent nos quatre personnages s'effondre. On a droit à un passage que j'ai trouvé sublime notamment grâce à la photographie (ces tons de couleurs sont vraiment magnifiques), lorsque
William "tire"
Vera de sous un cadavre et qu'ils parlent quelques instants à l'écart de la pagaille. Un passage pas tellement extraordinaire au niveau des dialogues, mais je ne sais pas, j'ai été touché par je-ne-sais-quoi, probablement cette beauté de l'image.

Quoiqu'il en soit,
William part à la guerre et on entame la deuxième partie du film qui elle, est clairement chiante. Pendant 20 minutes, on voit évoluer les relations entre
Vera/Dylan/Caitlin et c'est terriblement fade. Les émotions ne passent pas, le scénario s'endort tranquillement et je me suis même dit "
quand un réalisateur ne sait pas quoi raconter, voilà ce que ça donne !". Bien évidemment, tout ce passage sert de transition afin de nous faire revenir rapidement
William de la guerre, mais quelque chose de plus passionnant aurait pu être travaillé. Cette partie vaut surtout pour l'interprétation de
Sienna Miller, assez touchante (en tout cas, c'est elle qui fait passer le plus de choses). Pour le reste, à part un bref passage où on voit
William se battre contre l'ennemi et participer à quelque chose de traumatisant, on n'a pas grand chose à se mettre sous la dent.
Dylan Thomas est un personnage très peu intéressant, avec une fadeur qui n'a d'égale que le jeu d'acteur de
Matthew Rhys, un assez mauvais élément du casting (je trouve). Bref, je ne vais pas débattre plus longtemps : c'est lent, même si ce n'est pas insupportable ni interminable comme je l'ai souvent lu. Ca passe quand même assez vite parce qu'on a envie de savoir comment ça va finir.

Et c'est donc à partir de 1h05 que ça devient vraiment bon (alors qu'il ne reste que 40 minutes). Et finalement, cette heure n'aura servi qu'à donner de la profondeur à cette fin de film, qui est quand même honorable grâce au talent de
Cillian Murphy. Cet acteur est excellent, d'un bout à l'autre du film, mais surtout à partir de cet instant. Le gars
William revient de la guerre et le film aborde un sujet assez peu exploité au cinéma : le traumatisme après-guerre. Il est traité ici de façon exemplaire, touchante et poignante. Ca a en tout cas été mon ressenti. L'acteur est tout simplement troublant et émouvant dans le rôle d'un homme totalement détruit psychologiquement par ce qu'il a vu et ce qu'il a fait. Eloigné de sa femme qui pense bien évidemment qu'il n'a plus aucun amour pour elle, il s'exclut totalement, refusant tout contact physique avec quelqu'un, d'autant plus que les gens qu'il croise n'ont aucune idée de ce qu'il peut ressentir ni ce qu'il a pu endurer. Ils se moquent même de lui, minimisant son rôle dans la guerre et prenant de grands airs. Ce film donne un point de vue assez troublant et très poignant sur les effets que peut avoir la guerre sur l'état psychologique d'un soldat. Cette dernière partie du film est vraiment géniale, passionnante et tendue.
Cillian Murphy, je me répète, est épatant et son personnage, complètement perdu, est attachant.
Il est juste dommage que le film ait eu besoin de prendre 1h05 pour en arriver là. Evidemment, c'était nécessaire, sinon comment montrer l'évolution des personnages et comment toucher le spectateur ? Sans cette première heure, le film n'aurait eu aucun intérêt. Cependant, je regrette que le lancement de l'intrigue et les pseudo-amourettes aient aussi peu d'intérêt. Il y avait matière à faire quelque chose de mieux, même si je n'ai pas trouvé le film désagréable (du tout). Par contre, je suis étonné qu'avec ce casting incroyable le film soit passé aussi inaperçu. Et même s'il traîne en longueur, il a son charme et ses atouts.