La mise en scène du film est au début déstabilisante, mais le choix de placer l'histoire dans des
décors de théâtre est fabuleux et malin. Les problèmes spatio-temporels (les ellipses, les voyages, etc.) sont balayés d'une main grâce à cette idée ingénieuse ; les personnages passent d'une
pièce à l'autre - et même parfois d'une ville à l'autre - tout en restant sur la même scène. Parfois, ce ne sont pas les personnages qui changent de pièce mais la pièce elle-même qui change de
décor, ce qui donne une impression de fluidité impressionnante et très moderne. Les personnages passent d'une grande et vaste salle lumineuse à une étendue neigeuse simplement en empruntant une
porte, et le rendu est magnifique. Je ne vais pas m'étendre sur cette superbe mise en images, car
Anna Karénine est (comme
Stay, par exemple) un film qui se regarde et se savoure, et non un film qui se décrit.
La réalisation de
Joe Wright est également somptueuse, il est
clair que le film est d'un esthétisme onirique très puissant. Alors qu'on aurait pu s'attendre à un film ultra-classique (comme
Orgueil et
Préjugés, par exemple), on a affaire à une réalisation qui dépasse les attentes. La caméra se promène avec virtuosité entre les personnages, l'une des plus belles scènes du film
étant celle du bal. Les personnages sont tour à tour figés et mobiles, apparaissant ou disparaissant selon l'angle de la caméra, mettant brillamment en valeur le couple dansant. Plusieurs effets
de zoom alliés aux poétiques mouvements de caméra renforcent l'intensité dramatique du film, également soutenue par la photographie sublime. Les couleurs, le travail sur les ombres et les
lumières, les décors chatoyants et pétillants, les costumes majestueux forment un film à la fois magique et tragique en soulignant les sentiments des personnages. Chaque scène est finement
travaillée, brillante dans sa réalisation, savoureuse à contempler.
La distribution, elle aussi, est de haute volée, même si j'emets une réserve sur
Aaron
Taylor-Johnson que j'ai trouvé franchement fade comparé aux autres éléments du casting. J'ai eu du mal à croire en sa relation avec Anna Karénine. En fait, je l'aurais bien vu
échanger son rôle avec
Jude Law, mais ça aurait sûrement été trop cliché, pour le coup. D'autant que
Jude Law (méconnaissable) est très juste dans le rôle de Karénine, un mari loin de tous les clichés propres à ce genre cinématographique.
Matthew MacFadyen, quant à lui, apporte l'humour du film avec un personnage très sympathique et assez attachant. Chaque apparition du personnage m'a
déclenché un sourire, et ça joue énormément dans un film de ce style. D'autant que le film souffre de quelques longueurs par-ci par-là. Elles ne sont pas regrettables mais j'ai trouvé dommage que
le rythme décolle aussi peu, tout étant toujours un peu basé sur le même ton. C'est le seul petit défaut que j'attribuerais au film qui n'en demeure pas moins original et intéressant dans sa
sublime construction. Il ne serait d'ailleurs peut-être pas aussi beau sans la présence de
Keira Knightley, élément de casting indispensable
qui rend le personnage principal attachant et très classe. L'actrice correspond à merveille au rôle, absolument étincelante au coeur des décors éclatants. L'histoire d'Anna Karénine est
passionnante, même si elle est scénaristiquement très classique (une femme éprise d'un autre homme, mais contrainte de rester avec son mari pour ne pas dépérir socialement). J'ai particulièrement
adoré la pression sociale exercée sur le personnage, les regards lourds et la chute d'estime globale à son encontre. La montée dramatique du personnage est superbe, jusqu'au dénouement déchirant
à l'esthétisme remarquable.
Bref,
Anna Karénine est un fabuleux film qui m'a pris à contre-pied en
proposant un traitement de l'histoire très surprenant et original, visuellement parfait et au casting (presque) irréprochable. Je le conseille vivement en cette fin d'année.