Et j'aime ce film, tellement que j'étais allé le voir deux fois au cinéma lors de sa sortie (une fois pour le découvrir et une autre pour comprendre et savourer, c'était la première fois que je faisais ça et l'expérience ne s'est pas reproduite très souvent depuis). Pourtant, la plupart des critiques ne sont pas vraiment enthousiastes. Pourquoi ? Il se trouve que
The Jacket est systématiquement comparé à
L'Effet Papillon, alors que ce rapprochement n'a aucune raison d'être. Même si les deux films sont assez similaires sur le sujet traité (à savoir un voyage dans le temps spontané, permettant de modifier le passé), la façon de le traiter est quant à elle totalement différente.
The Jacket est un film très confiné, qu'on pourrait fortement déconseiller aux claustrophobes, assez noir et dramatique. Un huis clos oppressant mettant en scène un personnage totalement perdu, en quête d'identité. L'Effet Papillon étant un film magnifique au scénario parfait et incroyable (certainement l'un des meilleurs films de la dernière décennie), il est vrai qu'en comparaison,
The Jacket peut décevoir, si tant est qu'on s'attende à voir un
Effet Papillon 2. Mais pour moi, ces deux films n'ont pas à être comparés (c'est assez paradoxal puisque je viens juste de le faire, mais quand même).
The Jacket m'a toujours apporté un lot de frissons, d'horreur et de douceur. Le tout à la fois. Le scénario est assez difficile à suivre la première fois, notamment la fin du film qui est assez litigieuse et laisse le champ ouvert aux interprétations. Cependant, il ne souffre d'aucune grosse incohérence (en tout cas, je n'en ai pas relevé) et s'enchaîne parfaitement bien. Le film alterne les scènes du "présent", où
Jack n'a aucune idée de ce qu'il s'est passé et cherche un moyen de fuir cet enfer avec les scènes de "projection dans le futur" où il tente d'en savoir plus sur sa situation. Son seul échappatoire réside dans ce "voyage de la pensée", où il rencontre
Jackie, une jeune femme qui va l'aider du mieux qu'elle le peut. Toute l'intrigue est basée sur l'idée suivante : lors de ses voyages,
Jack apprend qu'il lui reste seulement 4 jours à vivre. Il n'a aucune idée de la façon dont il va mourir mais pense fortement que son traitement (qui s'apparente à de la torture) va finir par l'achever.
Le scénario de
The Jacket est habile, et la façon avec laquelle il est présenté est géniale, on ne s'ennuie jamais à suivre cet homme qui cherche son identité et se demande ce qui peut bien lui arriver. Toute l'intrigue est liée au cerveau de
Jack (oui, je suis fier de mon clin d'oeil à
Fight Club), à sa tête, qui va souffrir à la fois physiquement et mentalement de diverses façons tout au long du film. L'ambiance qui règne est assez spéciale, parfois sombre avec un sentiment de scandale lié à la façon dont le personnage est traité, et parfois douce et plus poétique lorsqu'il s'évade dans ses pensées. Personnellement, ce film m'avait mis une claque tant par le scénario que par les images. A chaque fois, je suis totalement impregné par l'atmosphère à la fois pesante et lente du film, les interrogations du spectateur (et du personnage) se résolvant petit à petit jusqu'au final inattendu mais logique. Le film met le point sur ce traitement machiavélique qui est quand même, il faut le souligner, une réalité dans la mesure où de telles choses se sont déjà produites. A ce propos, il existe un documentaire, que le réalisateur
John Maybury a regardé en faisant ses recherches, et qu'il a décrit comme étant "
le plus brutal, le plus terrifiant et le plus réel de tous les documentaires sur ce type d'établissement". Ce film, nommé
Titicut Follies, parle apparemment des sévices qu'ont pu subir des personnes mentalement déficientes dans
la prison d'Etat psychiatrique de Bridgewater dans le Massachusetts. D'après ce que j'ai compris, certaines scènes sont difficiles, ce qui a le don de m'intriguer. Bref, The Jacket appuie donc sur ces manières peu orthodoxes et surtout sur une vérité frappante, qui est que la parole d'un fou ne vaut strictement rien face à celle de ces institutions (Jack va d'ailleurs être obligé de prouver tout ce qu'il raconte au
Dr Lorenson afin qu'elle change de point de vue). Ca fait froid dans le dos. Le sujet a été abordé récemment dans
Shutter Island d'une autre manière et c'est toujours aussi dérangeant. Cependant
The Jacket ne passe pas son temps sur ce sujet et ne choque pas beaucoup, car l'essentiel des scènes importantes se situe dans le "futur", où
Jack Starks est en sécurité jusqu'à ce qu'il se réveille subitement dans son tiroir. C'est en quelque sorte une histoire de course contre la montre, qui pourtant n'est jamais haletante, ni rapide. Elle prend son temps et s'octroie même plusieurs scènes lentes et lyriques, grâce notamment à une musique de
Brian Eno absolument sublime surtout à la fin du film. Un très beau dénouement qui laisse un peu de place à la réflexion.
Adrien Brody est irréprochable, poignant et crédible. C'est un acteur dont on parle assez peu mais qui est pourtant l'un des meilleurs de ces dernières années à mon goût. Il joue la panique à la perfection tout en restant attachant (c'est-à-dire qu'il ne passe pas son temps à brailler comme il serait facile de le faire), émouvant et dramatique. Il faut dire qu'il a la tête pour ça, avec son visage de dépressif et sa mince silhouette.
Keira Knightley n'est pas dans son meilleur rôle, il faut dire que ce n'est pas le personnage le plus passionnant qu'elle ait joué non plus. Encore une fois, avec
Reviens-Moi et
The Edge of Love, elle dit une réplique que j'ai l'impression d'avoir entendue 20 fois dans sa bouche depuis le début de la semaine, à savoir "
Come Back to Me". Toujours dans le rôle de la jeune femme qui attend patiemment le retour de celui qu'elle aime, elle en fait parfois trop mais reste néanmoins géniale quand il le faut, notamment lors des scènes où
Jack se retrouve devant une pompe à essence et où elle s'arrête près de lui en voiture, et dans son restaurant.
Kris Kristofferson est assez quelconque voire mauvais, mais étant donné que son personnage, le
Dr. Becker, est haïssable, ça influe peut-être mon jugement. De même,
Jennifer Jason Leigh est correcte sans plus. C'est vraiment
Adrien Brody qui fait tout le boulot avec une prestation mémorable, et on peut également citer
Daniel Craig dans un rôle secondaire mais bienvenu.
Je ne sais vraiment pas expliquer pourquoi j'accroche autant à ce film, mais il y a cette ambiance, renforcée par la quasi-absence de musiques et les fondus, qui est prenante et nous plonge dans un truc que je n'arrive pas à décrire mais que je trouve intense. Notamment les scènes où il se retrouve dans son tiroir avec des gros plans sur ses yeux (parfois en larmes) et sa main, des scènes assez oppressantes mais jouissives. Quoiqu'il en soit, je ne comprends pas que ce film ait été autant décrié alors qu'il est assez riche au niveau du scénario, avec plusieurs dialogues et répliques intéressantes ("
Que se passe-t-il Docteur, on dirait que vous avez vu un fantôme ?" ou bien sûr la première réplique du film "
J’avais 27 ans la première fois que je suis mort. Je me rappelle qu’il y avait du blanc partout. C’était la guerre et je me sentais vivant mais en réalité, j’étais mort."). Un film que je ne me lasserai jamais de voir. Un deuxième visionnage permet d'ailleurs de remarquer des détails intéressants qu'on loupe la première fois (on a même une image quasi-subliminale à un moment).
Ceux qui ont détesté pourront peut-être m'expliquer pourquoi, en évitant de me resservir l'argument du "
il est vachement moins bien que l'Effet Papillon".
Bande-annonce :